Les différences entre le français européen et le français canadien dans les documents professionnels

À l’oral, la distinction entre le français tel que parlé par exemple en France et celui parlé au Canada est assez évidente : l’accent est différent, l’accent tonique n’est pas toujours au même endroit, le vocabulaire peut énormément varier… Mais il va sans dire que beaucoup de ces différences disparaissent à l’écrit. Et ce particulièrement dans des documents plus formels, puisque ces derniers tendent à se conformer à un certain concept (parfois un peu insaisissable, il faut l’admettre) de « français international ».

Toutefois, certaines différences, parfois subtiles, demeurent. Et bien que celles-ci soient trop nombreuses pour être toutes énumérées dans un billet de blogue, voici quelques exemples plus relatifs au monde professionnel. Ceux-ci peuvent donner une idée au sujet fascinant d’une langue ayant évolué différemment et surtout, ayant incorporé ses influences de l’anglais différemment.

Le ton général des documents écrits

Même s’il ne s’agit pas de syntaxe ou de terminologie, la première remarque à faire serait que le ton des documents entre le français québécois et européen peut déjà être assez différent.

En général, et même dans le cas de documents professionnels et techniques, le français québécois/canadien tend à être plus informel. Il est possible d’utiliser moins de salutations formelles ou d’autres formules de politesse sans crainte d’offenser son interlocuteur, les phrases tendent à être plus succinctes et directes et même la voix passive est moins utilisée. Les deux derniers exemples peuvent être vus comme un emprunt sémantique direct à l’anglais.

En français canadien, la 2e personne du singulier, le « tu », soit la forme moins formelle du « vous », est beaucoup plus employée et ce même à l’écrit. Cette pratique n’est pas considérée comme impolie, mais plutôt comme plus amicale et moins hiérarchique.

Le monde des affaires

Alors que le français canadien va avoir plus tendance à intégrer son influence de l’anglais indirectement) par exemple en faisant des traductions plus littérales ou en conjuguant des verbes anglais avec les terminaisons françaises), le français européen va plutôt incorporer les anglicismes tels quels. Ceci se retrouve par exemple beaucoup dans la terminologie reliée au monde des affaires.

Le premier exemple est très parlant à ce sujet : les Français disent « du business » pour parler, évidemment, de toute pratique reliée aux affaires, mais également du commerce en général. En comparaison, le terme « les affaires » est très bien établi au Canada.

Un « meeting » sera probablement dit ou écrit comme tel en France, mais deviendra souvent « une réunion » au Canada.

« Planning » en France sera probablement mieux traduit par « planification » au Canada.

« Sponsor/ing » en France deviendrait plutôt « commandite et commanditer » pour les Québécois et autres Canadiens français.

« Deadline » sera bien accepté pour les locuteurs européens, mais serait mieux traduit par « échéancier » au Canada.

« Team » ou « teamwork » sera plus prévalent en France, mais il sera probablement plus avisé de le traduire par « équipe » et « travail d’équipe » pour les Canadiens français.

Par contre, certains termes anglais sont utilisés indistinctement aux deux endroits, par exemple « briefing, » « brainstorming », « pitch » et « audit ».

Termes technologiques

Il existe une grande volonté au Québec de trouver des traductions et des équivalents d’expressions québécoises pour les néologismes ainsi que les termes relatifs aux technologies, puisque l’Office de la langue française travaille très fort à proposer et à promouvoir des alternatives aux termes anglais. Alors que certains font usage et d’autres pas, cela reste une différence majeure entre les deux variantes du français pour les documents professionnels et techniques. En comparaison, le français européen adopte habituellement le terme anglais tel quel (ou presque, voir « email » ci-bas).

Par exemple :

Pour le terme « email » en anglais, les Français vont utiliser « mail » alors que le terme approprié au Québec est « courriel » (un mot-valise permettant de raccourcir l’expression courrier électronique).

Au Québec/Canada, « podcast » deviendra « baladodiffusion ».

« Cloud computing » se traduit par « infonuagique » en français canadien.

« Spam » est très utilisé en France, mais devient « pourriel » au Canada.

Toutefois, cette règle ne s’applique pas à tous les termes relatifs aux technologies. Une exception notable : l’anglais « cell phone » se traduira plus littéralement par « cellulaire » au Canada, mais plutôt par « portable » en France. Au Québec ainsi que dans le reste du Canada français, un « portable » réfère en fait à un ordinateur.

L’expression du temps

Certains moments de la journée ont de plus des traductions différentes entre les deux continents.

Le matin, c’est-à-dire la période avant midi, se dit et s’écrit « avant-midi » en français canadien, alors qu’en France, le terme correct est « matinée ».

De plus, les repas peuvent légèrement porter à confusion! Ces différences persistent parce que le français canadien aurait conservé les termes en usage en France durant la Renaissance.

« Breakfast » est un « petit déjeuner » en France mais un « déjeuner » au Canada.

« Lunch » se dit « déjeuner » en France et « dîner » au Canada.

« Dinner » correspond à « dîner » en France mais à « souper » au Canada.

Et finalement « le week-end » en France deviendrait plutôt « la fin de semaine » au Canada.

Les langues sont en évolution constante et ceci peut s’exprimer très différemment entre un point géographique et un autre, selon les réalités quotidiennes, les pays avoisinants, les mentalités et même, les lois. La langue française telle qu’elle est actuellement employée en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord demeure un exemple très intéressant de cet état de fait, et il aurait tant à dire à ce sujet!